Pour résister à leurs sirènes d’autant plus efficaces qu’elles agissent à un niveau inconscient, il est bien sûr nécessaire de savoir repérer les stratagèmes employés, et aussi, de bien connaître nos propres modes de fonctionnement (peurs, valeurs, croyances, …) pour être conscient des espaces de suggestibilité qu’ils pourraient constituer. C’est un matin comme tant d’autres. Il est 6h50, et sur ma tablette, l’alarme laisse place à une chaîne d’informations en ligne. Entre les flashs d’actualités, mon oreille guette la musique familière du sponsor de la rubrique météo – indispensable avant de passer par la case garde-robe. J’interromps ce flot sonore pour boire un café en consultant mes e-mails, et je supprime rapidement tous les messages promotionnels arrivés pendant la nuit. L’un d’eux toutefois retient mon attention, car il annonce des réductions importantes sur un site de running (sport que je pratique régulièrement) : je clique donc sur la page, où des bannières colorées affichent des chaussures (de la marque que j’utilise) assorties de termes tels que « performance », « confort » ou « sensations ».
Pour rejoindre le métro, je passe dans une rue où se succèdent les affiches pour un film annoncé comme un succès aux Oscars – film également vanté dans le magazine gratuit qui m’est remis en station, et que je feuillette pour y découvrir les nouveaux lieux qui ouvrent dans mon quartier.
Alors bien sûr, je ne me précipite pas sur chaque produit ou service mis en avant! Mais certains de ces messages viendront plus tard, sans même que je me souvienne de les avoir perçus, impacter un choix, susciter une envie ou influencer un achat.
Des Ficelles du Pub (plus ou moins) subtiles
> Le Conditionnement Associatif va même plus loin, en créant des stimulus pour pouvoir les associer à la marque : ainsi, un chocolat au riz soufflé a créé un son parfaitement identifiable, le fameux « crunch » qui provoque des situations cocasses – bonne humeur garantie à la seule vue du produit en rayon!
> Biais d’exposition : ce qui nous semble familier a tendance à nous attirer plus que quelque chose de totalement inconnu. C’est pour bénéficier du bienfait de la répétition que les acheteurs d’espaces publicitaires regroupent les annonces sur un temps concentré (combien de fois avez-vous entendu la pub « 118/218″ quand elle est sortie? Et après avoir fredonné un tube de l’été entendu 100 fois, vous êtes-vous demandé s’il vous plaisait vraiment?> Partant de ce même principe, la Congruence Programme / Publicité est aussi utilisée pour multiplier les expositions de manière plus subtile. Avant votre série télévisée favorite, passe une annonce pour une marque de bière. Et que boit le sympathique héros quelques minutes plus tard?
> Le Biais de compétition sociale, lui, utilise notre tendance à sans cesse vouloir nous comparer à notre environnement. Poussée à son extrême dans une publicité de voiture (« Il a l’Audi. Il aura la femme. »), l’exploitation de notre envie de mieux est probablement l’un des ressorts les plus fréquents – même si parfois peu subtil.
> L’usage des émotions, et notamment du levier que constitue la Peur, est également un classique. Prenez un spot choc de la sécurité routière, qui montre un véhicule détruit après un choc frontal à trop grande vitesse, et la détresse de ses passagers mutilés. D’après vous, quel effet aura, quelques minutes plus tard, l’annonce d’une marque automobile qui vante la robustesse du modèle proposé?
Il y en a beaucoup d’autres (comme la mention « Nominé 7 fois aux Oscars » portée sur une affiche de film, qui nous incite à suivre un avis d’autorité / de crédibilité, etc.), et tous, visent à créer des réactions que nous croyons choisies alors qu’elles sont influencées. D’autres exemples sont ainsi cités par Robert Cialdini dans son livre Influence & Manipulation.
Vers un art de la suggestion personnalisée
Pour augmenter l’impact de leurs annonces, les marques ont rebondi sur une idée simple : ce qui nous concerne directement nous touche plus qu’un message de masse. C’est pourquoi les maître-mot du marketing actuel sont « expérience utilisateur » ou encore « personnalisation ».
Apple sait particulièrement bien adresser certains de ses messages aux personnes réceptives au sens visuel (défilé de couleurs des iPods), d’autres à ceux qui seront plutôt convaincus par des stimuli auditifs (succession de musiques et de rythmes marqués), et d’autres enfin sont destinés aux utilisateurs plutôt kinesthésiques (réceptifs au toucher) car ils mettent en avant le pouce sur la molette de sélection, le tactile de l’écran, etc. Forcément, lorsque mon canal de prédilection est sollicité, je me sens plus impacté par la pub.
Le marketing sensoriel s’invite aussi sur nos trajets : avez-vous déjà franchi le seuil d’une boulangerie après avoir senti la bonne odeur de viennoiserie… qui venait, non pas des fourneaux, mais des diffuseurs d’arômes situés au-dessus des portes?> Pour affiner encore plus, le NeuroMarketing permet aujourd’hui d’étudier les réactions du cerveau exposé aux
IRM, EEG et autres outils et techniques des réponses sensori-motrices des consommateurs permettent d’avoir des informations beaucoup plus précises sur les facteurs clé de décision d’achat.J’ai ainsi participé il y a quelques années à une expérience visant à optimiser le design d’un site de réservation de vacances en ligne : en fonction du trajet de mes yeux, différent selon différents designs présentés, l’agence identifiait les emplacements privilégiés pour insérer des bannières publicitaires.En 2004, l’expérience de McClure et al.(1) a mis en avant l’impact de la notoriété sur le choix entre deux marques de boissons gazeuses, Pepsi et Coca-Cola. Lors d’une première dégustation de deux échantillons différents « en aveugle » (sans connaissance des deux marques), les résultats ne montraient statistiquement pas de préférence notable pour l’un ou l’autre des deux échantillons. Idem lorsqu’une deuxième dégustation se faisait en donnant connaissance seulement de la marque Pepsi. En revanche, lors d’une troisième dégustation où la marque Coca-Cola était connue, c’est pour ce soda qu’une très nette préférence était exprimée. L’analyse des zones cérébrales actives pendant ces tests à mis en avant que dans le dernier cas, c’est l’hippocampe, clé dans les processus de mémorisation, qui était particulièrement sollicité, preuve que la notoriété existante de la marque avait un impact plus fort que le simple critère gustatif.
On a pourtant l’impression de bien savoir ce que l’on préfère, … Non???
> Alors bien sûr, pour nous connaître, rien de tel que de suivre tous les indices que laissent en permanence nos logs internet, nos achats (lorsque nous communiquons nos coordonnées pour une carte de fidélité ou recevoir des promotions), ou même nos signaux mobiles : c’est ce que fait le Marketing technologique ou géolocalisé. Grâce auquel, si je m’inscris à une course à pied, je verrai probablement dans les jours qui viennent des bannières de chaussures de sport. Si je réserve un hôtel pour 2 adultes et 2 enfants (signe probable que j’ai une famille) sur un site de vacances en ligne, je serai sollitée par des marques de voitures fiables et axées sur la sécurité.
Une technologie récente permet même, si mon wifi est activé lorsque je suis dans une galerie commerciale, à une enseigne de m’envoyer un SMS de promotion exceptionnelle valable 1/2h si je rentre dans la boutique devant laquelle je viens de passer. Et mise devant cette urgence d’en profiter maintenant, il me sera difficile de résister à cette aubaine…
On se rend donc bien compte de la valeur de ces informations de connaissance de nos besoins, de nos habitudes, de nos goûts, de nos émotions et de tout ce qui peut aider à créer des messages au plus proche de nos fonctionnements. Jusqu’à se demander si, parfois, les marques ne nous connaissent pas mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes…Et vous, quelles sont les dernières techniques publicitaires auxquelles vous pouvez maintenant consciemment identifier que vous y avez été inconsciemment réceptif?